L’alimentation à l’hôpital

D’APRÈS L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ,
UNE BONNE NUTRITION 
EST UN GAGE DE SANTÉ.

 
Or, il n’y a pas que dans les pays en développement que la malnutrition est présente. Ce problème majeur de santé publique apparaît également dans les pays développés.
 

Paradoxalement, il s’avère que l’hospitalisation représente un facteur de risque de dénutrition. En effet, celle-ci touche jusqu’à plus de la moitié des patients en milieu hospitalier. La dégradation des paramètres nutritionnels chez l’adulte ainsi que l’apparition de dénutrition chez les enfants ne souffrant pas de pathologies graves pointent du doigt une offre quantitativement insuffisante en énergie et en macronutriments.

La dénutrition induit l’aggravation des pathologies existantes (risques infectieux, complications, etc.) et augmente radicalement la durée d’hospitalisation ainsi que le risque de mortalité. En plus de réduire l’espérance de vie, elle en limite la qualité : la dépendance des personnes âgées ou fragiles est accélérée et la baisse des défenses immunitaires empêche les patients de combattre la maladie, ce qui provoque très souvent la nécessité de soins supplémentaires et d’une prise en charge plus longue. Ceci a, en toute logique, des conséquences économiques majeures.
 

MAIS QU’EST-CE QUI PROVOQUE CE PHÉNOMÈNE DE DÉNUTRITION CHEZ LES PATIENTS ?

En fonction des raisons de leur hospitalisation, certains patients peuvent être confrontés à des difficultés d’alimentation en lien avec leurs pathologies (diminution de la sensation de faim, troubles de la déglutition, douleurs à la prise alimentaire, etc.). Mais ce ne sont pas les seuls éléments qui induisent la dénutrition.

En-dehors de la qualité gustative, de la température et de la présentation des repas, divers facteurs sont responsables de ce problème. Les portions étant standardisées, elles ne sont que très rarement adaptées aux désirs de chaque patient et c’est sans compter le nombre d’entre eux qui manquent de temps pour se restaurer car le repas est interrompu par un geste médical. La prise alimentaire est souvent difficile, faute d’adaptation ergonomique pour les patients alités ou immobilisés. Ils se retrouvent également parfois en difficulté pour ouvrir certains emballages.

plateau repas hôpital

Le psychologue américain Paul Rozin développe la notion de dégoût cognitif comme l’idée que le sujet se fait de la nourriture, de ce qu’elle est et d’où elle vient. À l’hôpital, le patient n’en est pas informé et risque de l’associer aux impressions négatives dégagées par l’environnement. L’idée que « l’on est ce que l’on mange » est encore plus présente dans le milieu hospitalier.

Le repas étant parfois servi dans des barquettes, il inspire certes l’hygiène et la sécurité alimentaire, mais aussi bel et bien une alimentation impersonnelle, aseptisée et sans saveur. De plus, lors du service en chambre, le patient perd toute la notion de convivialité du repas.

Tous ces enjeux mettent en avant la nécessité de dissocier l’alimentation à l’hôpital des autres activités qui s’y déroulent. Mais ceci est une question complexe, qui nécessiterait un remodelage complet de l’organisation des repas en milieu hospitalier.

COMMENT S’ORGANISENT LES REPAS À L’HÔPITAL ?

La production de l’alimentation hospitalière est rendue inutilement compliquée par des déclinaisons de menus établies selon trop de types de « régimes » différents parfois auto-prescrits sans réelle justification médicale. Une simplification rigoureuse est indispensable afin de pouvoir repenser l’organisation des repas.

régime alimentaire hôpital

La logistique du service du repas est déficiente car complexe, coûteuse et mal maîtrisée. Les délais entre la livraison et le service ainsi que le manque de formation des personnels engendrent une importante dégradation des qualités organoleptiques des produits, ce qui explique leur faible consommation. Qualités organoleptiques

Propriétés d’un aliment perçues par les organes sensoriels : stimulation du goût, de l’odorat, le toucher (texture/consistance), la vue (apparence)

En plus de cela, le service du repas est souvent une thématique repoussée à l’arrière-plan par les personnels soignants, car ils sont surchargés par les contraintes de temps et la complexité croissante de la charge des soins. Les repas sont donc servis et desservis à heures fixes, ce qui sous-entend que les horaires du personnel ne correspondent pas forcément au rythme alimentaire idéal des patients. Par exemple, à l’hôpital, le repas du soir est habituellement servi aux alentours de 18h, ce qui provoque un jeûne nocturne prolongé de +12h qui peut s’avérer dangereux pour certains patients. De plus, l’organisation actuelle du personnel ne permet aucune souplesse selon les activités du patient ou de ses besoins imprévus (examen médical, visite d’un proche, collation pour compenser un repas insuffisant, etc.). Il semble également logique que les préférences individuelles et culturelles de chacun conduisent à des prestations différenciées.

Cette marge de progression met en avant un terrain prometteur sur lequel il serait possible d’apporter des solutions d’implantation de libre-service ou de restaurants dans l’hôpital. Ce fonctionnement innovant permettrait de rapprocher les patients des lieux de production et d’alléger le fardeau logistique. Les choix des repas seront ainsi plus larges et les possibilités d’horaires pour se restaurer plus variées. Cette perspective impliquerait de profondes évolutions au niveau de l’organisation et de l’architecture de l’hôpital, mais permettrait de substantielles économies. Elle engendrerait également une revalorisation de la production alimentaire et donc des personnels de cuisine.

chef cuisinier chariot

 En 2002, des Comités de Liaison Alimentation-Nutrition (CLAN) ont été créés à échelle locale et régionale. Non-obligatoires, leur rôle se limite à conseiller la direction et la Commission Médicale d’Établissement (CME).

Leur objectif est de s’engager pour l’amélioration de la prestation alimentation-nutrition des malades à l’hôpital. Elles restent malheureusement à ce jour des instances peu connues des personnels hospitaliers.

Quelques obligations ont également été définies par décret : « Le respect d’exigences minimales de variété des plats servis ; quatre ou cinq plats proposés à chaque déjeuner ou dîner ; l’adaptation des plats proposés aux goûts et à l’état de santé des patients ; le respect d’exigence en matière de taille des portions et de fréquence des repas ».

Malheureusement, ces indications ne suffisent pas encore, car elles reposent sur le bon vouloir des hôpitaux à adapter le fonctionnement des repas. Très peu d’entre eux le font, il revient donc à l’Etat d’imposer de telles normes. Les cadres et cadres supérieurs de santé ont également un rôle important à jouer : s’ils ne poussent pas leur personnel à prêter attention aux repas, aucune dynamique ne se créera autour de l’alimentation et du temps de restauration.

Toutes ces défaillances du système alimentaire en hôpital engendrent des pertes alimentaires (surproduction et non-consommation des patients servis) représentant un coût important pour les hôpitaux. Effectivement, c’est la restauration collective en établissements médico-sociaux qui enregistre le plus gros volume de gaspillage.

Selon le RESAH (Réseau des Acheteurs Hospitaliers), « entre 3 et 10% des repas préparés atteignent leur date limite de consommation sans être distribués et 37% des aliments servis aux patients et résidents ne sont pas consommés ».

Une meilleure gestion prévisionnelle des repas ainsi que des prestations mieux adaptées aux attentes des patients pourraient limiter ce gaspillage alimentaire.

emballages déchêts plastiques hôpital

De plus, pour des questions d’hygiène, les repas sont très souvent servis en barquettes et les aliments emballés sous plastique, ce qui induit une quantité de déchets plastiques extrêmement importante. Imaginez donc le gaspillage alimentaire d’un plateau non consommé, couplé aux déchets plastiques des aliments pas même déballés…
Bien que les barquettes puissent être remplacées par des plateaux et de la vaisselle, il serait dans l’ère du temps de trouver une alternative au plastique pour la conservation des aliments à l’hôpital.

A titre d’exemple, les plateaux réchauffés mais non servis et donc non consommés sont jetés dans leur totalité. Nous pourrions imaginer un système anti-gaspillage s’inscrivant dans une démarche sociale, où ces plateaux et leurs contenus seraient par exemple proposés à la consommation pour des personnes dans le besoin, extérieures à l’hôpital (en signant éventuellement un document les informant que la nourriture a été réchauffée au préalable, afin que cela ne pose pas de problème au niveau du respect des normes sanitaires).

La Loi EGALIM (Loi pour l’Equilibre des Relations Commerciales dans le Secteur Agricole et Alimentaire et une Alimentation Saine, Durable et Accessible à Tous), promulguée et validée par le Conseil Constitutionnel, confirme l’interdiction de certains ustensiles en plastique (pailles, couverts, plateaux-repas, couvercles jetables, boîtes, etc.) dans les services de restauration collective depuis le 1er janvier 2020. Il est prévu que l’interdiction du plastique s’étende à d’autres produits d’ici au plus tard le 1er janvier 2025. Ceci concernera par exemple les contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique. Etant donné les quantités de déchets plastiques enregistrées dans les centres médicaux-sociaux, il faudrait faire appliquer cette loi dans tous les établissements de santé et non la suggérer comme une simple recommandation, ce qui semble aujourd’hui être le cas.

En plus de cela, la Loi EGALIM participe activement à la lutte contre le gaspillage alimentaire et oblige la restauration collective à procéder à des dons en cas de surplus. Pourquoi ne pas faire appliquer cette obligation au domaine hospitalier également ?

Conformément à cette même loi, depuis le 1er janvier 2022, la restauration hospitalière doit inclure 50% de produits de qualité, dont 20% de produits issus de l’agriculture biologique. Cet objectif est porteur d’espoir pour la restauration hospitalière de demain, mais reste actuellement difficilement atteignable.

QU’EN EST-IL DE LA PLACE DE CITOYEN DES PATIENTS ?

Bien qu’hospitalisé, le patient reste un citoyen et devrait être en mesure d’être responsable de ses choix et de ses modalités de consommation. En effet, ses principales aspirations sont la guérison et le retour à la vie ordinaire. C’est pourquoi offrir une réelle capacité de choix alimentaires et donner la possibilité de savoir où, comment et par qui les repas sont préparés sont des façons de rendre sa place de citoyen au patient. D’autant plus que d’un point de vue médical, la mobilité est primordiale pour la guérison des patients non-immobilisés. Se déplacer pour aller manger leur serait donc bénéfique.

De ce fait, les hôpitaux doivent être repensés en tant que lieux de vie et non plus seulement comme des lieux de soins. Le système actuel provoque l’oubli de la satisfaction du patient, qui devrait être l’objectif global. On en vient donc à se questionner sur la place accordée au patient, à ses besoins et à ses désirs. Les patients mobiles et autonomes devraient pouvoir se restaurer dans des lieux plus appropriés (salles à manger, restaurants, libre-service, etc.), et ce, tout au long de la journée. Les patients alités, quant à eux, devraient se voir proposer des denrées et des prestations culinaires novatrices pouvant permettre de faciliter la prise alimentaire tout au long de la journée. Des innovations matérielles (plateaux, vaisselle, etc.) seraient également bienvenues afin de présenter les produits aux patients sous une forme plaisante.

plateau bento

Il est alors évident que l’amélioration de l’alimentation hospitalière représenterait simplement un cercle vertueux, car elle permettrait la réduction des temps de séjour et des ré-hospitalisations, ainsi qu’une réduction du gaspillage. L’alimentation en milieu hospitalier ne doit plus être considérée comme un problème économique, mais bel et bien comme un soin à part entière et comme une bonne prise en charge des patients. Une meilleure organisation du temps de restauration permettrait également de libérer du temps au personnel soignant. Celui-ci qui pourrait donc se consacrer plus rapidement à ses tâches et à son métier : soigner.

QUEL AVENIR POUR LA RESTAURATION À L’HÔPITAL ?

Le repas étant le 1er médicament et pas des moindres, pourquoi ne pas envisager, dans cette perspective d’amélioration, de réserver le service du repas à un personnel spécialement engagé pour réaliser cette tâche ? Ceci allégerait la charge du personnel soignant et rendrait le moment du service beaucoup plus adapté et professionnel. Le personnel chargé de la restauration serait spécialisé dans le domaine et pourrait d’autant plus apporter un aspect social que le personnel soignant n’est pas toujours en mesure d’apporter (épuisement, surcharge de travail, manque de temps…). Les patients auraient donc l’opportunité de retrouver un moment de plaisir et d’évasion lors de la restauration, et leurs soins n’en seraient que mieux réalisés, car les soignants pourront se consacrer à ces tâches médicales. Leur durée d’hospitalisation devrait en toute logique diminuer, tout comme les risques de dénutrition, et les frais d’hospitalisation.

Une nouvelle approche de la restauration collective hospitalière est tout à fait possible, sans folie financière, avec des matières premières saines et des méthodes de travail plus centrées sur l’humain.

Sources :

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